Le jour où je suis devenu marathonien

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12 avril 2015. 12 H 57. La délivrance après 42.195km. Je suis marathonien.

Aboutissement de nombreuses heures passées à courir (après quoi, demanderaient certains), à « avaler du bitume » selon l’expression consacrée dans le milieu du running, je ne reviendrai pas sur ces longs moments. Ils n’ont finalement que peu de valeur pour les personnes autres que celui qui a usé ses paires de chaussures à poursuivre son entraînement de manière parfois un peu incompréhensible pour son entourage. Mais Bizarrement ce qui me revient en tête c’est un moment tout simple samedi soir.

Les petits savaient que j’allais participer au marathon le lendemain. Depuis le temps qu’ils voient papa s’entraîner… Matteo m’a alors demandé s’il pouvait me faire un massage. Car mon fils fait des massages, il faut le savoir. Clara, ne voulant pas être en reste, lui a emboîté le pas et a fait la même demande. Me voilà donc installé sur le ventre sur le canapé, revêtu d’un plaid pour ne pas avoir froid. En bons « professionnels » ils pensent à tout. Je ne vous détaillerai pas la séance mais sachez que je ressemblais à un pantin désarticulé avec un bras tendu d’un côté pour que Bibi me manipule les doigts et l’autre bras de l’autre pour que Loulou puisse simplement poser ses mains dessus (c’est ainsi qu’il masse, c’est sa « technique »). Ils se sont ensuite attaqués à mon dos et à mes jambes. J’étais mal installé mais c’était un tel bonheur de les voir s’affairer, si sérieux, pour préparer leur papa à la course que je n’ai rien pu dire. Et pour rien au monde je ne les aurais interrompus.

Je ne saurais dire si c’est grâce à ce petit moment passé avec les enfants mais la nuit s’est passée comme un charme et lorsque le réveil sonne, c’est avec une « grosse patate » que je me lève 😉 sur les coups d’un petit 5H45 tout de même. C’est un peu tôt pour un dimanche. Le petit-déjeuner de champion est prêt depuis la veille. J’ai mis à décongeler une part de mon « gâteau de l’effort ». Ça devrait me tenir suffisamment pour éviter un coup de pompe pendant la course, du moins je veux le  croire. Le sac m’attend. Tout y est : le dossard, le rechange, les gels, la montre cardio/gps, la boisson après la cours, etc. c’est l’heure de partir. Direction la gare.

Premier RER A, 7H17.

Peu de monde encore mais déjà quelques runners qu’on devine à leur tenue vaguement sportive pour certains ou alors totalement branchée pour d’autres. Je me replonge quelques mois en arrière lors du 20KM de Paris. Même flot de runners qui convergent vers la place de l’Etoile. Chacun arbore, attaché à son sac, une petite étiquette reprenant le numéro de dossard. C’est un indice qui ne trompe pas mais ce sera surtout le seul moyen de le récupérer à la consigne a l’issue de la course.

Après une trentaine de minutes de trajet je descends Porte Maillot pour rejoindre la zone qui sera celle de l’arrivée dans quelques heures. Pour l’instant elle est surtout le lieu de rassemblement des coureurs qui déposent un à un leurs sacs et en profite, stress oblige, pour faire un petit tour aux toilettes…

La foule est nombreuse mais l’organisation est parfaitement huilée. Chacun vient se ranger dans son sas de départ, fonction du temps estimé de course. Je suis dans le sas 3H45. Je ne vais attendre « que » 30 minutes dans le sas, à comparer aux 1H30 en octobre dernier pour les 20KM de Paris… Malgré tout la pression monte et il trotte toujours dans ma tête la crainte d’avoir une (ou plusieurs) douleur articulaire qui me clouerait sur la parcours, signe d’abandon.

09H15 enfin. Je franchis la ligne de départ. La pression laisse la place à la sérénité. C’est parti et il ne tient qu’à moi désormais de réussir ce challenge hors norme. Les Champs Elisés s’offrent à nous pour les deux premiers kilomètres. Sensations uniques. Mais déjà je pense à la première étape : le ravitaillement au KM 5. Un petit coup d’œil au chrono pour m’assurer que je ne suis pas en surrégime. Surtout ne pas se « cramer » en début de course pour finir à l’agonie dans 40km… Cela fait à peine 15 minutes qu’on s’est élancé il reste encore plus de 3 heures de course…

Le premier ravitaillement arrive. Comme prévu c’est la cohue. Je prends à la volée une bouteille et poursuis ma route. Je libère de ma ceinture mon premier gel et l’avale. A ce stade de la course il est primordial de ne faire l’impasse sur aucun ravitaillement. Il me reste 7 autres gels, tous correspondants à un kilométrage particulier. Prochaine étape le ravitaillement au KM 10. Si tous se passe bien les enfants seront au KM 9 au niveau de la Porte dorée, juste avant de pénétrer dans le bois de Vincennes. Bon autant le dire maintenant je ne verrai la petite famille qu’à l’arrivée, les différents points de passage et donc de rendez-vous ont manqué de synchro… Mais revenons à la course. Je retrouve les animations (orchestres) et l’ambiance que j’avais découvertes lors de ma précédente course parisienne. Des inconnus, de simples passants nous encouragent et comme le prénom est marqué en gros sur le dossard je me vois gratifié d’un « Allé Stéphane !! » qui me fait me retourner, m’attendant à trouver une connaissance. En fait pas du tout, la personne est un parfait inconnu. Porté par cet élan surprenant je poursuis mon effort.

Les ravitaillements s’enchaînent, les rues Paris s’offrent à nous sans une voiture à l’horizon. Nous passons sous la bannière du premier semi-marathon. 1H50 de course. Je suis loin de mon record mais il reste encore un semi-marathon a parcourir… Le rythme est le bon et les sensations sont bonnes : pas de douleur, pas de lourdeur. Il va en être ainsi jusqu’au KM 31 ou 32. On a passé la tour Eiffel en remontant les bords de Seine et la fatigue commence à se faire sentir. La chaleur aussi. Autant la température était fraîche au départ, autant passé la barrière des 11H00 il commence à faire chaud. Les pompiers ont installé des lances après les ravitaillements et les coureurs passent sous une pluie providentielle qui rafraîchit les esprits et les muscles. Je commence à voir des gens marcher. Je n’ai pas vu ce fameux mûr des 30 KM, synonyme de baisse brutale des réserves de glycogène musculaire et de rythme qui va à l’avenant. Mais il est bien là autour de moi. Il reste 10 km et des gens le prennent de pleine face. Ils marchent, redémarrent sur quelques foulées puis remarchent. Je les dépasse en n’essayant de ne penser qu’à ma course. Désormais, la fatigue aidant, je prends les kilomètres les uns après les autres. Encore un et après on verra. Le chrono ne baisse pas mais j’ai l’impression que les kilomètres passent moins vite. Toujours pas de douleur, hormis les lourdeurs dans les jambes mais rien d’inquiétant sur le plan articulaire. Le cardio quant à lui commence à changer, l’augmentation du fameux « coût cardiaque ». C’est simple : plus la durée de l’effort augmente et plus le nombre de battements par mètre de course augmente. Je m’attendais à voir ce phénomène et il est bien là au rendez-vous.

KM 38. C’est l’hécatombe, de plus en plus de gens marchent et ne cherchent plus à courir. Il faut continuer. J’ai déjà pris mes 7 gels lors des ravitaillements précédents et il m’en reste un dernier pour le KM 40. Je me demande si je vais le prendre. Jusque-là je les ai bien supporté mais je ne voudrais pas que le dernier me rende, comment dire, malade. Je me concentre sur l’analyse de cette question pendant les deux kilomètres qui suivent. Finalement, voyant arrivée le panneau 40, je prends cette dernière potion « miracle » et me dit qu’au pire, il y a des toilettes à l’arrivée 😉 Depuis 7 ou 8 km j’ai arrêté de regarder le paysage pour me concentrer sur la ligne bleue. Kezako? Il s’agit d’une ligne de couleur bleue tracée au sol et matérialisant le chemin le plus court de la ligne de départ à celle d’arrivée. Tout coureur qui emprunte cette ligne est assuré d’avoir parcouru exactement les 42.195 km de la course. Je ne vois qu’elle, ou presque car il faut bien éviter les coureurs désormais transformés en marcheurs. Il m’arrive même de lui parler. Je ne vous livrerai pas la teneur de nos échanges. Je précise qu’elle ne m’a jamais répondu, ce qui me rassure en fait car si elle l’avait fait il y a fort à parier que j’aurai mal fini la course, très certainement dans un véhicule des secours.

KM 41. Un regain de « patate » surprenant semble m’envahir. L’effet du gel ? Je n’en sais fichtre rien et puis en fait c’est le cadet de mes soucis. Hors de question de m’arrêter ici donc je sais que j’irai au bout. Digne, mais fatigué. Il n’est plus question de savoir si on a la bonne technique de pose du pied ou si les bras sont dans le bon tempo. Je donne ce que j’ai. Point. D’ailleurs dans les trois derniers kilomètres j’en fais deux à plus de 12 km/h.

Plus que quelques dizaines de mètres avant la ligne. Mon chrono affiche 3H39 mais je ne sais pas combien de secondes (pas la place sur l’écran au-delà de 1H…). Vais-je pouvoir rester sous la barre des 3H40 ?

Et bien non. 3:40:18 tel est le verdict. Suis-je déçu ? Je n’en sais rien en fait. Au moment où je passe la ligne, je pense simplement que je l’ai fait, que j’ai mal aux jambes mais que je suis resté digne jusqu’au bout et que les gens qui sont autour de moi ont aussi mal aux jambes vu la démarche de certains.

Je crois que chacun se retrouve un peu dans sa bulle, à penser à ce qu’il vient de faire. A ces dix derniers kilomètres qui sont le vrai juge de paix du marathon, du moins pour moi.

Je récupère le t-shirt de « finisher » et la médaille. Je suis le flot des arrivants pour me diriger vers les vestiaires et me changer. Je prends mon sac et me mets à l’écart. Méthodiquement je me change. Les muscles tirent mais finalement je m’attendais à pire. Petit à petit je reprends pieds avec le monde réel, du moins celui où il n’est plus question de courir. Delia m’appelle et on convient de se retrouver à la sortie F avec les petits. Je me déplace à un rythme de sénateur. Serein, un peu ailleurs quand même.

Et puis ce sont les retrouvailles, les félicitations, les embrassades. Tranquillement on rentre vers St Germain. Je me revois quelques heures en arrière faire le chemin inverse., tendu par l’événement. Maintenant je suis calme et heureux.

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4 réponses à Le jour où je suis devenu marathonien

  1. Mathieu dit :

    On s’y croirait !!! Les courbatures en moins 🙂

    Tu écriras tes mémoires de coureur à ta retraite ?!?!? 😛

    TTATP

  2. nicole. dit :

    Bravo a mon gendre sportif , et félicitations pour cette belle performance .

    A TRES BIENTOT . Biz a tout les quatre .

  3. Stéphane dit :

    Ben je sais pas mais en tout cas ça me permettra de me rappeler les courses 😉

  4. Stéphane dit :

    Merci Nicole 😉

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